- oui, ca fait comme un crepuscule qui dure toute la nuit.
- c'est quand meme marrant que ca soit toujours lumineux apres si longtemps...
Il faisait bien nuit maintenant sur la colline, mais encore tres doux pour cette fin d'automne. Les deux enfants regardaient l'horizon rougeoyant sans mot dire. Le leger souffle d'air suffisait a faire scintiller les couleurs, et ils ne s'etaient encore pas lasses du spectacle quotidien qui s'offrait a leurs yeux depuis tant d'annees. Apres quelques minutes, il recommenca a parler.
- tu te rappelles ? il y avait une tres grande ville par la bas, derriere les collines. Avec plein de gens, et des maisons, et des voitures partout.
- Ou ca des collines ? il n'y a que des iles tout comme la notre, par la-bas, tu le sais bien. et d'abord comment veux-tu que je me souvienne ? j'etais bien trop petite !
- Je sais... moi aussi je ne me rappelle plus bien... je me rappelle qu'il y avait des maisons et des gens, mais je n'arrive plus bien a me souvenir a quoi ca ressemblait. J'ai perdu les images. Et puis pour les collines, je t'ai deja explique qu'avant, ca n'etait pas encore des iles. C'est arrive juste apres, presque le meme jour.
- racontes-moi encore, dis ? les oiseaux-tonnerre, le soleil par terre, les eclairs, la grande nuit ?
- non, pas ce soir. Je te l'ai deja raconte hier et l'autre soir encore. Je sais que ca a l'air magnifique tout ca, mais pourtant c'est la mort. Tu ne peux pas comprendre.
- Non je ne comprends pas. Tu veux dire les parents ?
- oui, si tu veux. Eux et tous les autres. Il y avait des tas de parents, et ils avaient des tas d'enfants comme nous. Mais tu etais trop petite, tu ne peux pas te souvenir.
- je me rappelle maman, un peu. Tout chaud dans ses bras, et sa voix comme une musique... Tu crois qu'il n'y a plus que nous ? pourquoi il ne reste que nous ?
- Je ne sais pas. Peut etre faut-il qu'il y ait au moins un spectateur pour que tout ce vide ait un sens...
Fabrice NEYRET, le 03/10/95