Organiser un Café Sciences et Citoyens
Fabrice NEYRET   -   août 2006

Ce petit texte, au travers de ma propre expérience des Cafés Sciences et Citoyens de Grenoble (et d'autres débats, via l'exercice de chacune des fonctions), a pour vocation de proposer quelques idées en support à qui souhaite se lancer dans une opération ayant en commun l'une des tâches de choisir un sujet de débat, diffuser un prospectus d'annonce, ou modérer une table d'intervenants, avec ou sans participation directe du public. Tout comme en pédagogie, il ne saurait bien sûr y avoir de solution unique: puissent ces propositions vous inspirer, que ce soit pour vous les approprier, ou pour aider à identifier ce qui ne serait pas à votre goût ! Toutes les phrases affirmatives suivantes sont donc à prendre comme mes stratégies de conduite (approximatives et évolutives), adaptées à des situations particulières, et surtout pas comme un dogme impératif.


Sommaire

1 Définir un sujet, choisir des experts
   1.1 Organisation et principe
   1.2 Qu'est-ce qu'un bon sujet de débat
   1.3 La réunion de programmation: choisir les thèmes (et les dates)
   1.4 La réunion de préparation: affiner le sujet, trouver les profils
   1.5 Choisir les experts
   1.6 Texte d'annonce et diffusion
   1.7 La réunion d'ajustement (briefing)
2 Animer un débat
   2.1 Avant: préparer la salle
   2.2 Lancement
   2.3 Droits et devoirs de l'expert invité
   2.4 Le rôle du modérateur
   2.5 Fin du débat
   2.6 Après

1. Définir un sujet, choisir des experts

1.1 Organisation: deux temps, trois mouvements

1.1.1 Principe

Nous le faisons en deux temps:
  • annuellement ou trimestriellement, choisir une liste de sujets approximatifs lors d'une réunion de programmation.
  • 1 mois 1/2 avant le débat, affiner le sujet et choisir les experts, lors d'une réunion de préparation.

    Ce partage a plusieurs avantages:

  • Tout d'abord, de nombreux diffuseurs ont besoin de connaître les évènements et sujets longtemps à l'avance, l'idéal étant l'année complète.
  • Il permet de lancer annuellement un "appel au peuple", "boîte à idées", et/ou un "brainstorming" des organisateurs, en préalable à la réunion de programmation (laquelle fera le tri, éventuellement via reformulations).
  • Des idées qui paraissaient bonnes dans l'euphorie de la programmation peuvent s'avérer difficiles ou piégeuses une fois reconsidérées à froid; lors de la préparation il est toujours temps de recadrer voire d'opter pour un autre sujet.

    Cette articulation en 3 phases bien distinctes - idées brutes, programme, affinage - permet d'éviter bien des pièges.

    1.1.2 Le piège de la "démocratie" dans le choix des sujets

    "Démocratie", que voilà un "mot-valise" par excellence, comme s'il existait un critère universel simple permettant de savoir quelle est le meilleur choix en toute circonstance sans avoir besoin de réfléchir !

    En matière de choix de sujet de débat, voici 2 pièges qui en découlent:

  • demander au public d'inventer les sujets à traiter et s'y tenir.
  • faire déterminer la programmation effective par d'autres que les animateurs.

    À ces deux cas on peut opposer le très pragmatique principe de responsabilité: mieux vaut que celui qui décide soit le même que celui qui aura ensuite à faire le boulot !
    Le public est intéressé par des thèmes, mais n'a que très peu idée de ce qui peut ou non constituer un débat équilibré, au sens défini plus bas. On aura alors toutes chances de se retrouver soit avec un débat-messe où tout le monde est du même avis, soit à un débat-pugilat où deux croyances s'opposent stérilement (variante: le débat-traquenard pour l'un des invités).
    Au delà d'une idée générale de thème, lors de la préparation il faudra très prosaïquement définir un périmètre, se traduisant par un texte d'annonce et des profils d'experts, qu'il va bien falloir ensuite trouver (et pour nous, dans la région, de surcroît). Un sujet "yaka" risque fort de se retrouver soit avec des experts trouvés difficilement à l'autre bout du monde et après une recherche désespérée (variante: pas d'expert), soit (plus probablement) avec des experts qui sont peu spécialistes de la question.

    1.2 qu'est-ce qu'un bon sujet de débat ?

    Il suffit qu'il permette un débat à la fois épistémologiquement sûr (i.e. qu'il ne s'y dise pas de choses fausses), authentiquement citoyen, intéressant, pertinent, et efficace...
    Bigre ! Comment arriver à choisir un sujet, alors ?

    1.2.1 Il faut qu'il y ait débat !

    Il faut donc un sujet qui ne soit pas tout blanc ("faut-il une herbe plus verte et un ciel plus bleu ?") ou tout noir ("les dictateurs sont-ils méchants ?"), ni n'appelle à un simple cours magistral ("la chromodynamique quantique").

    1.2.2 Il faut qu'il y ait de quoi faire un débat constructif !

    Il faut donc un sujet qui permette autre chose qu'une bataille croyance contre croyance.
  • Certains sujets, systématiquement ou provisoirement (faute de connaissances, ou à cause de l'actualité favorisant l'émotion ou l'esprit polémique), ne le permettent pas.
  • Ça peut être aussi l'axe que vous auriez choisi qui présente cet écueil (si par contre vous avez choisi un axe voisin, il faut que le modérateur soit conscient du risque et soit prêt à faire un rappel à la délimitation du sujet en cas de dérive: l'écueil est à identifier à la préparation).
  • Mais ça peut être aussi un mauvais choix d'invités qui empêche un débat argumenté: outre la personnalité propre à chacun, prendre des représentants de groupes en guerre froide ou en conflit ouvert, ou bien opposés dans un enjeux d'importance (élus en période d'élection) a peu de chance de donner un débat constructif.
  • Par ailleurs, si votre sujet ne permet pas de trouver des invités compétents (en fonction des ressources locales, des découpes disciplinaires et des effectifs, ou s'il s'agit de questions totalement sans réponses à ce jour), il y a toute chance que le débat se limite à un "café du commerce".
  • Ça peut aussi venir... de votre public ! il est important de connaître son public. Constitue-t-il peu ou prou un groupe qui contient lui-même des croyances non négociables vis à vis du sujet ? ("avenir du nucléaire" en milieu écologistes). Y a-t-il dans les parages des activistes prosélytes qui rêveraient de s'improviser une tribune sur ce thème ou contre l'un des participants connus ? À vous de juger de la nature et de la probabilité du "risque", et de la "tenue" que vous souhaitez à vos débats (de fond, vs "virils").

    Dans le sujet, mais aussi dans les questions et réponses lors du débat, mieux vaut ancrer quand c'est possible le débat dans le réel concret, et non dans une problématique globale (générique ou planétaire), qui verserait vite dans le "yaka" (avec l'idée qu'il existe des solutions simples, ou qu'au contraire tout est dans tout et donc inextricable, mais qu'en tout cas le problème, c'est les autres). On est alors dans le café du commerce, et également dans le débat faussement citoyen (voir plus bas) puisqu'on n'a plus à situer son propre comportement ni à faire d'arbitrage personnel, et on raisonne alors sans notion de coût ni de faisabilité.
    Une solution possible est d'attirer l'attention sur le local et le quotidien (e.g. le problème de l'eau - ou des risques naturels, ou industriels - dans la région Grenobloise), ou d'expliciter l'arbitrage (e.g. jusqu'où sommes-nous prêt à payer pour une attitude écologique / la sélection prénatale).

    1.2.3 Un café "sciences et citoyens" doit être ET Scientifique Et Citoyen

    Des physiciens peuvent débattre entre eux de physique, mais pas le public (les modèles scientifiques ne sont pas affaire non plus de démocratie ou d'opinion!). On retomberait alors dans une simple conférence-questions, qui est une modalité intéressante, mais qui n'est pas un débat (à vous de savoir quelle forme vous importe, ou si elle importe).
    A contrario, des sujets de sociétés peuvent facilement être débattus par le public-citoyen, mais alors on tombe dans un café Diplo ou politique ! Avec le risque de tomber dans le "café du commerce" si le débat court-circuite les invités spécialistes (le public peut alors entendre des choses fausses non contredites, ce qui pose problème).
    La spécificité du regard "science et citoyen" est de débattre des problématiques où sciences et techniques impactent ou peuvent impacter le citoyen là où les choix doivent lui appartenir. Et ce dans les deux sens: en tant que conséquences possibles sur sa vie et son environnement, ou en tant qu'outils permettant de s'approprier une lecture de la situation et des réponses. Avec ça, il y a déjà de quoi faire !

    Attention, même s'il est dans notre rôle de lutter contre la pensée simpliste en amenant le public à mesurer qu'il y a du bon et du mauvais en chaque chose, il serait dommage et un peu "blasant" d'en rester là (ce serait proche de l'illusion d'objectivité médiatique consistant à interroger les deux camps protagonistes).
    L'idée est d'alimenter la réflection citoyenne avec des ingrédients techniques de meilleure qualité que les préjugés où les médias, que les gens ressortent en se posant toujours des questions, mais plus pertinentes, contextualisées, ou au contraire aiguisées (NB: par contre il ne nous appartiens pas de fournir les réponses à ces questions citoyennes). Bien souvent, l'objectif est donc d'aider chacun à situer les enjeux et les leviers, i.e. selon quels axes et avec quelles imbrications des conséquences et inconnues le citoyen doit faire son propre arbitrage (e.g. entre confort et danger, ou entre meilleur recyclage, sécurité et coûts, etc).

    Par ailleurs, une autre dimension du débat citoyen est le retour prodigué aux intervenants spécialistes: quelle réceptivité, perception, craintes, refus, critères, du public sur tel ou tel aspect ? Les experts peuvent avoir des surprises, et apprendre eux aussi.

    1.2.4 Quel périmètre ?

    Un sujet trop ouvert risque de mener n'importe où, au risque de s'enliser dans des lieux stériles non-constructifs (il semble y avoir des "attracteurs" autour de chaque sujet !), ou de se laisser détourner dans du hors sujet (parce que le modérateur ne peut définir ce qui est dans ou hors sujet sans une délimitation préalable du périmètre), ou hors du domaine de compétence des intervenants. Au risque aussi de la superficialité, ou alors de n'avoir visité qu'un petit point aléatoire du débat (et au risque que l'un des intervenant n'ait jamais pu s'exprimer).
    Réciproquement, un sujet trop étroit risque d'être ennuyeux, en panne de participation de la salle, ou de prêter le flan à de nombreuses tentatives de hors-sujet (par rapport au périmètre choisi ressenti comme "enfermant").
    Nous effectuons ce travail de délimitation lors de la préparation, car il va de pair avec l'approfondissement du thème choisi et le choix des profils d'experts. Mais il n'est pas défendu d'avoir une idée en tête dès la phase de programmation (quitte à recadrer si nécessaire ensuite) !

    Bien sûr, nul ne peut prévoir à coup sûr ou ira le débat: c'est la salle qui le mène ! (sous le contrôle limité du modérateur). En fait, peu importe si le périmètre n'est pas pas été couvert ou si des axes imprévus ont été visité, du moment que le débat a été riche et que les gens ont appris des choses ! (et çà vous donne une occasion de revenir sur les autres aspects du thème une autre fois). Cependant, afin de maximiser les chances d'un débat intéressant, on gagne à envisager quels peuvent être les axes du débat (intéressants ou stériles), afin de retenir un périmètre couvrant une surface raisonnable, et qui permettra de définir une cohérence attractive, de choisir des profils d'experts compétents sur ce périmètre, et de rédiger le texte d'annonce qui servira de référence au public, aux invités et au modérateur (qui pourra plus facilement relancer si nécessaire le débat sur un axe non couvert).

    1.3 La réunion de programmation: choisir les thèmes (et les dates)

    L'objectif de cette réunion est de déterminer les thèmes à traiter et le calendrier des débats. Nous préférons la faire annuellement (l'été, après le dernier débat): ceci permet de lancer un recueil d'idées brutes efficace (appel à sujets par email, boîte à idée), de débattre de la programmation avec le "noyau dur" au complet (i.e. du monde pour éviter les biais, mais pas trop d'occasionnels (cf illusions démocratiques en section 1.1.2)), de superviser l'équilibre des thèmes sur l'année, de diffuser le programme plus efficacement (notamment aux médias "lents"), et d'éviter l'aléa d'une réunion clé retardée ou bâclée.

    1.3.1 établir une liste de thèmes

    Comme on l'a dit, établir cette liste permettra ensuite de faire le tri parmi toutes les propositions brutes du public ou du groupe, quitte à les reformuler (on peut encore brain-stormer après lecture de la liste, voire dans la première partie de cette réunion !). À partir d'une liste touffue de thèmes (+ variantes), comment faire des choix ? plusieurs stratégies sont possibles (et mixables). Par contre, comme dit plus haut, mieux vaut que ceux qui font les choix soient ceux qui auront à les assumer ensuite.

    Notre méthode habituelle consiste faire voter chaque sujet par les animateurs présents, par exemple avec une granularité "pour" (1), "pourquoi pas" (1/2), "bof" ou "contre" (0) (on pourrait aussi bien mettre une note sur 10, avec ce biais que la variance des notes de chacun peu différer sensiblement. Ou accepter des vétos). Ceci permet de classer les sujets.
    On en tire deux listes (classées), un "premier choix" à traiter absolument, et un "second choix" plus large (soit en fixant deux seuils, soit en constatant de visu les paquets dans les notes). Selon le niveau du seuil bas, le reste est soit jeté, soit mis de côté pour l'année suivante. Il est confortable que le total 1er choix + second choix soit supérieur au nombre de débats à mener, afin de faciliter la programmation, et de disposer d'un jeu de "sujets de secours" (éventuellement recyclables l'année suivante).

    1.3.2 choisir les dates elles-mêmes

    1.3.2.1 Les dates
    Il est important qu'elles soient connues longtemps à l'avance, pour les annonceurs, pour le public, et souvent aussi pour réserver la salle. Pour fidéliser le public, il est préférable d'avoir des dates régulières (pour nous, les premiers mardi du mois), quitte à faire une exception en période de vacances ou de jours fériés (à vous de juger). Attention, selon les activités locales ou les spécificités de votre public, certaines dates ou jours de semaine peuvent être moins indiquées que d'autres (à noter de plus que la première semaine du mois est une cible prisée pour les réunions et conférences mensuelles).

    Quelques observations heuristiques subjectives: le lundi, les gens sortent peu (de plus, l'email de rappel sera lu trop tard). Le vendredi est souvent un jour creux pour cause de retour des étudiants dans leur famille, et de week-end agrandi d'une RTT. Le mardi soir est propice au jeune public. Les grèves (transports, lieux d'accueil) sont souvent des mardi ou jeudi.
    De toutes façons il y aura toujours un jour qui ne convient pas à tel ou tel (au pire, faites un sondage pour connaître les préférences).

    En tout cas, se munir d'un calendrier avec vacances scolaires et jours fériés pour éviter les bévues ! (Vous oublierez probablement de tenir compte des soirs de match, et pourtant...)

    1.3.2.2 L'heure
    C'est la quadrature du cercle: personne n'est disponible au même moment. Là encore il faut connaître son public, voire, bien cibler quel public on ne veut pas rater (scolaires, étudiants, jeunes actifs (avec enfants), retraités, locaux, habitants des environs...).
    Pour certains le mieux est la fin d'après-midi après le travail mais avant le repas. Pour d'autres, la soirée. Pour qui ne travaille pas, l'après-midi. À certains endroits, l'entre-midi peut être un bon choix.
    Évidemment il y a aussi les contraintes objectives: disponibilité du lieu, des transports en commun, sentiment d'insécurité la nuit hors du centre ville, etc.

    Quant à la durée, mieux vaut prévoir au moins deux heures. Moins, et le débat sera interrompu en pleine apogée, et toute perte de temps (retard, perturbateur, longueurs) aura un impact significatif. Plus de trois heures, et les spectateurs risquent de partir au compte goutte, ce qui donne une impression détestable, et il ne restera plus personne pour conclure, applaudir, et entendre le prochain rendez-vous. A contrario, rien n'empêche de prolonger le débat par un moment convivial, après.
    Attention aux heures butoirs implicites (en plus de celle du lieu): dernier tram, heure du repas devant les infos, "heure des mamans" (école), heure du match...

    1.3.3 quel thème pour quelle date ?

    On est en présence de multiples opportunités et contraintes: Il peut être plus motivant pour le public de coller (au moins de temps en temps) à l'actualité. Certaines "actualités" sont programmées d'avance (expositions culturelles, semaines ou journées thématiques, commémorations). En cas d'inattendu, on pourra aussi se laisser la liberté de déprogrammer le sujet normal pour un autre plus "chaud" (éventuellement déjà dans la liste). Sinon, les classiques "marronniers" ne sont pas forcément une mauvaise idée, du moment qu'ils amènent des débats intéressants (e.g. problèmes liés à l'éducation à la rentrée, à la santé en hiver, au rhume des foins ou aux sentiments au printemps, au climat l'été ou l'automne, et choisir de terminer la saison sur un sujet léger).
    Mais il faut garder en tête qu'il s'agit de trouver le meilleurs moment pour les thèmes retenus, et surtout pas de de se laisser dicter les thèmes par les saisons ! (nous ne sommes pas la presse magazine !)

    Des contraintes essentielles: l'équilibrage. Variété (visiter un peu de tout), alternance (pas 3 fois de suite sur la santé ou sur l'environnement, aller des sciences sociales aux sciences dures, des intervenants en blouse blanche aux associatifs), équilibrer entre sujets graves et légers (notre but n'est ni de déprimer ni d'euphoriser la population, et le risque serait plutôt de sélectionner un public - et au final, de le raréfier).

    Voilà ! avec tout ça il n'y a plus qu'à remplir les cases ! (avoir une liste de thèmes retenus plus large que le nombre de séances facilite évidemment la tâche). À la suite de quoi ce programme annuel (indicatif) peut-être déjà être annoncé sur votre site web, et diffusés sur votre liste de diffusion et à vos contacts (notamment tous groupes susceptible de tenir des agendas pour leurs membres, voire aussi à vos contacts presse. Plus que vous ne croyez ont besoin de plus d'un mois d'avance, et vos annonces mensuelles leur arriveront toujours trop tard).

    1.4 La réunion de préparation: affiner le sujet, trouver les profils, le titre

    Le but de cette réunion est d'affiner le sujet, déterminer le profil des invités, puis de programmer la finalisation des détails: choix des invités, titre, texte d'annonce, modérateur.

    1.4.1 qui participe ?

    Cette réunion peut être plus ouverte que la réunion de programmation puisqu'il s'agit de "tester le débat" (du moment que la réunion aboutisse!). Par exemple, nous avons une liste de diffusion spécifique permettant aux personnes motivées de venir participer à la préparation d'un thème donné.
    Par "motivé" nous entendons néanmoins "désintéressé": il s'agit de monter un débat, et non de promouvoir un labo, une discipline, une croyance, une thèse, un lobby, ou de se poser d'avance en intervenant ! Donc il ne faut pas hésiter à "cadrer", voire à épurer la liste de diffusion en cas de problèmes récurrents (nous n'avons jamais eu à le faire). Par contre ces risques font qu'il est important que l'équipe d'animation garde la maîtrise de la situation (par exemple la notion de "vote démocratique" sur un choix n'a pas de sens dans ce cadre où l'expérience et les responsabilités diffèrent).

    Il peut parfois y avoir des experts pressentis pour un thème. Mieux vaut ne pas en tenir compte, et surtout, ne pas les inviter à la préparation ! Car cela bloquerait le fonctionnement normal d'élaboration, consistant à déterminer les personnes après avoir déterminé les bons axes de débat.
    Si vraiment vous voulez baser un débat sur une "star", il reste néanmoins risqué d'inviter vos futurs intervenants à la préparation, car s'ils font le débat ce soir la, il ne le referont que beaucoup moins bien ensuite devant le public (de plus, il ne faut pas abuser de la disponibilité des invités... ni de celle des animateurs !).

    1.4.2 Affiner le sujet

    "Tester le débat" ne signifie pas faire à l'avance le débat en salle de réunion, mais envisager les principaux aspects intéressants ou stériles qui peuvent s'y rapporter, ce qui fait question dans ce thème, quelles préoccupations tombent ou non dans l'esprit du thème (et y a-t-il matière à débat !). Partant d'un thème vague, l'objectif est donc de délimiter le périmètre permettant un débat constructif, intéressant et équilibré (cf toute la section 1.2).
    Cette phase d'exploration achevée (autant s'arrêter dès qu'on "sent" bien le périmètre, histoire de ne pas bâcler le reste de l'ordre du jour, bien qu'il soit tentant pour certains participants de passer la soirée sur le sujet !), on essaie d'expliciter un ou deux axes qui rassemblent une cohérence à eux tout seuls (couvrant une surface ni trop large ni trop étroite), et surtout on choisi le profils disciplinaires d'experts qui permettraient de bons regards croisés (i.e. pas redondants) couvrant bien cette surface. Au delà du titre et du texte d'annonce, il faut être conscient que les limites d'expertise doivent délimiter également le "hors sujet" sinon on risque le n'importe quoi !

    Objectivement, le but de cette tache est donc finalement de définir ces profils. (bien sûr, on veillera à un minimum de réalisme en terme de capacité à trouver des invités dès le stade du choix des thèmes, et surtout lors du choix des axes: ne pas s'engager sur "évolution de la sociologie des baleines à l'ère industrielle" si l'on n'a pas de bonne raisons de croire en la facilité à trouver des experts sur la sociologie des baleines ainsi que sur leur histoire, à plus forte raison dans la région !).

    1.4.3 Programmer la finalisation des "détails"

    Pendant cette réunion, il va donc encore falloir:
  • Déterminer les profils, et autant que possible, penser à quelques noms (idéalement 2-3) par profil (cf section 1.5).
  • Répartir parmi les participants qui se charge de contacter les personnes de chaque profil. Prévoir les rebonds éventuels ("si Untel ne peut pas, je te contacte pour que toi tu vois avec Untel").
  • Se mettre d'accord sur le titre complet définitif.
  • Choisir qui rédige le texte d'annonce à partir de ses notes sur les différents axes envisagés, qui délimitent le périmètre raisonnable et correspondant aux profils des intervenants (cf section 1.6).
  • Choisir un modérateur (de préférence parmi les participants, mais pas obligatoirement, si le texte dépeint bien le périmètre).
  • S'assurer de la procédure de diffusion (mais logiquement c'est rodé et toujours la même): relecture, puis envoi (à qui ?) pour diffusion électronique, fax, papier.
  • S'assurer de qui sera là pour installer la salle et accueillir les intervenants.
  • Décider de la date de la prochaine réunion de préparation.

    Si la réunion a lieu plus d'un mois à l'avance, il peut être encore temps en début de réunion de faire le point au tout début (en cas de problème ou de doute) sur le débat qui va avoir lieu incessamment.

    1.5 Choisir les experts

    1.5.1 Comment et où les trouver ?

    Après avoir défini les profils des invités, il faut trouver des noms. Avoir une équipe de préparation pas trop restreinte, dont quelques personnes d'expérience connaissant bien les ressources locales, est à ce titre extrêmement précieux. Faute de mieux, il faut au moins déterminer les laboratoires ou services d'institutions à partir d'où "tirer des fils". NB: il est utile d'avoir sous la main la liste des invités (et spécialités) lors des débats précédents, voire de savoir accéder à celle des associations similaires du coin (ne pas en abuser, ça donnerait l'impression de plagier !). L'idéal serait de trouver 2-3 noms par profil, mais on est souvent déjà content d'en trouver un (c'est risqué par ça donne peu droit à l'erreur: il faut soit qu'il soit joignable et qu'il accepte, soit qu'il désigne une personne qui le soit).
    La tache de contacter tel invité (ou de trouver celui de tel profil) est distribuée à différents animateurs, qui s'en acquittent assez vite dans les semaines qui suivent (s'y prendre toujours à la dernière limite est stressant pour tout le monde, et vous fait prendre le risque soit de ne trouver personne, soit de faire un choix médiocre).
    Si un invité pressenti ou la personne contactée dans le service visé fait défaut, il y a grandement intérêt à leur demander des suggestions de nom (chez eux ou ailleurs), sinon la tâche risque de s'avérer très difficile, d'autant que la réunion est passée et que l'échéance approche (ne plus avoir le temps de se retourner est toujours critique) ! (à noter que si la préparation a lieu plus d'un mois avant, cela laisse le recours de reposer le problème en urgence à la suivante, mais mieux vaut éviter de le faire trop souvent: stress et longues prolongation de réunions garanties !).

    Pour trouver des noms, outre la mémoire des anciens et le catalogue des conférences passées, l'usage de personnes relais travaillant dans des disciplines proches, ou de moteurs de recherche, ou encore des annuaires universitaires (souvent en ligne) pour obtenir les bonnes personnes dans un labo ou un service, est d'un grand secours. A nouveau, si la personne s'avère ne pas être libre ou pas intéressée ou pas pertinente, elle a néanmoins des chances d'y voir plus clair que vous, donc il ne faut pas hésiter à lui demander de recommander des noms de personnes ou services (auprès desquels vous voilà ainsi de surcroît introduits !).

    Attention, si plusieurs personnes sont contactées sur un profil, ou si vous avez le moindre doute sur la personne, si elle accepte dites bien qu'à ce stade elle est pressentie mais que vous confirmerez (très bientôt): il est très inconfortable de devoir rappeler une personne pour lui dire que finalement, non !

    1.5.2 Qui inviter ?

    Notre doctrine (et nos moyens) nous font recourir aux compétences locales, ou au pire régionales. Parmi les regards croisables, outre des disciplines scientifiques différentes (comme sciences physiques et sciences sociales ou histoire), il est intéressant de recourir au tissu associatif, aux professionnels, aux élus, ou aux responsables techniques de collectivités.

    Une tentation (doublé d'une commodité) consiste à recourir aux "stars", personnalités très visibles, mandarins. L'avantage est qu'on est généralement assuré d'avoir une personne maîtrisant son sujet, capable de recul, et sachant parler en public (voire, on aura pu en juger sur pièces ou par connaissances), ce qui est tout ce qu'on attend d'un intervenant expert !
    Mais cela présente aussi plusieurs inconvénients: leur planning est chargé, les joindre est parfois moins facile, les convaincre de venir pourra être difficile si votre opération a lieu pour un public de 15 personnes dans un bistrot, et, biais plus subtils: on appuie l'image du scientifique inaccessible et impressionnant; on laisse peu de chances aux jeunes (fussent-ils quadras); on sous-représente encore plus les femmes et les minorités.
    Réciproquement, un trop jeune pourra aussi ne pas tenir la route, ne pas savoir parler en public, connaître à fond un sujet pointu mais sans aucun recul sur sa discipline et moins encore sur son rapport à la société. Tout l'art délicat est dans cette dialectique, sachant que le temps et les compétences que des bénévoles peuvent consacrer à la recherche d'intervenants est de toutes façons restreint.

    À propos de la représentation féminine:
    Nous nous sommes vu reproché une fois à juste titre de ne pas inviter assez de femmes parmi les experts. Depuis, même en ayant en tête cet aspect, il reste souvent difficile d'en trouver, étant donné les conditions effectives de recherche d'invités (i.e. le problème est loin de se poser en termes de parité, mais d'en trouver déjà un ! la renommée et l'ancienneté font alors facilement sélection).
    Raison de plus pour garder fortement cette motivation à l'esprit, pour au moins ne pas rater les occasions (à noter que ce pourra être plus facile concernant les associations, les professionnels, et bien sûr le modérateur -faute de mieux).
    NB: il y a des disciplines où c'est plus facile (biologie, éducation, environnement). Autant ne pas rater ces occasions, sans se dédouaner pour autant d'en chercher aussi lors des thèmes où elles sont plus rares.

    1.5.3 Combien d'experts inviter ?

    Notre chiffre "magique" a longtemps été 3. Plus risquerait de diminuer la parole de la salle (voire d'installer un dialogue entre les experts), ou de priver d'occasion de parole l'un des invités. Moins est risqué, dans le cas où l'un des invités est peu loquace, ou pas très bon, ou plus pointu que prévu, ou... pas venu. 2 est néanmoins le format que nous avons choisi en 2005/2006 où nous investissons un nouveau lieu et une organisation plus légère.

    1.5.4 Comment convaincre les intervenants pressentis ?

    Le téléphone est souvent plus efficace que l'email: face à une demande inhabituelle au milieu de centaines d'emails urgents et suscitant moins d'hésitations, on a vite fait d'attendre, pour mieux oublier de répondre. Au téléphone il faut vraiment répondre oui ou non, ce qui est plus engageant. Mais rien n'empêche de passer de l'email au téléphone après une semaine sans réponse.

    Mieux vaut s'exprimer avec assurance et l'état d'esprit que c'est quasiment dans la poche: donner l'impression de quémander ou qu'on s'attend à un "non" tend à entraîner un réflexe de refus !
    Annoncer le contexte, que la personne comprenne vite que vous êtes un quasi-collègue, et que vous n'avez rien à vendre ! Si la personne ou son service a déjà participé, le signaler. De même si elle est recommandée par un collègue.
    Rassurer assez vite sur le fait qu'il n'y a rien à préparer (ce n'est pas une conférence, pas de présentation PowerPoint à préparer), que c'est bon enfant (et on parle en son nom propre, pas au nom de son institut), avec un public d'environ tant de personnes, que l'exercice consiste essentiellement à répondre avec les autres invités aux questions de la salle (sachant qu'il y a un modérateur). Si les autres invités sont déjà connu, les indiquer (ou à défaut, leur profil). Si la personne décline, insister pour qu'elle vous propose d'autres noms de personnes (elle le fera facilement si son empêchement est contingent, ou dû à la timidité).

    1.6 Titre, texte d'annonce et diffusion

    1.6.1 Le titre

    Mieux vaut avoir convenu du titre précis pendant la réunion de préparation, car il peut avoir un fort impact: la plupart du public n'aura pas lu le texte d'annonce avant de venir, et une partie ne viendra qu'à la vue du titre (de toutes façons de nombreux diffuseurs ne donneront que le titre).
    Le titre ne peut pas être trop long (pour être lisible, et non coupé par les annonceurs). Il doit clairement donner le thème à un lecteur qui ne dispose d'aucun autre contexte, et surtout ne pas prêter le flan à ambiguïté ou mauvaise interprétation (sinon le risque de hors sujet sera grand !).
    Nos titres sous souvent en deux parties, titre bref et sous-titre phrase, sous forme du domaine traité puis de la formulation d'une interrogation majeure, et presque systématiquement sous forme interrogative ("Humeurs climatiques: comment s'en protéger ?","La loi des séries, mythe ou réalité ?")

    1.6.2 Le texte

    Il apparaîtra sur les prospectus, le site web, et les affiches (mais probablement pas sur les annonces de presse, limitées au titre). C'est aussi un repère notamment pour le modérateur et les invités (mais aussi le public de la salle), permettant de délimiter à peu près le sujet, et de suggérer quelques pistes. Il pourra aussi servir d'inspiration pour introduire le débat.

    Un des participants se charge de le rédiger dans les semaines après la réunion, à partir de ses notes sur les axes, et du titre choisi en commun. Il est recommandé de soumettre ce texte (par email) aux autres participants à la réunion pour approbation/modifications.

    Que ce soit sur prospectus ou affiche, il faut faire sobre, facile et agréable à lire (pour un public non technicien ni littéraire, a priori pas demandeur, qui croise l'affiche ou le tract en passant, et n'a pas forcément une bonne vue), plaisant et efficace dans les limites éthiques, en 1 à 3 (courts) paragraphes. Pas trop intello ou littéraire; une pointe de provocation, curiosité ou humour peut permettre d'attirer l'attention, mais ne pas tomber dans le simplisme racoleur ou le slogan.
    "Lisible" inclue la taille et le choix de la fonte: on voit encore parfois du gothique...

    Attention, le but du débat est d'aider le public à se poser les bonnes questions (dépasser les préjugés et la superficialité médiatique), de lui mettre à disposition des experts à questionner pour mieux exercer ses choix citoyens. Nous ne défendons pas une thèse ! Le texte n'est donc pas un discours (et il faut renoncer à la tentation d'y glisser des allusions orientées), mais vise uniquement à introduire des questionnements.
    J'aime bien partir d'une banalité ou d'une fausse évidence consensuelle, pour la déconstruire en une phrase (thèse - anti-thèse), laquelle conduit à une petite série de questionnements (de même dans un second paragraphe s'il y a un autre axe bien différent à couvrir). Une dernière ligne invite à venir en discuter avec les experts invités.

    La liste des expert présente leur noms et qualité, mais a priori pas leur employeur: ils parlent en leur nom propre, et pas en tant que porte parole. Pour le modérateur (choisi lors de la préparation) on ne donne que le nom (car il n'est pas un intervenant !).

    1.6.3 L'entête

    Évidemment il indiquera tout ce qu'il faut de manière explicite pour que le public même non-habitué puisse trouver, quelle que soit la façon dont l'annonce lui parvient: le jour et l'heure, mois compris (voire l'année, pour les archives et les pages web jamais effacées), le lieu exact, ville comprise (vous n'avez pas idée de jusqu'où pourra aller la diffusion indirecte !), information de guidage s'il n'est pas trivial de trouver la salle. Un arrêt de bus/tram, un numéro de téléphone et un site web ne seront pas de trop.
    En plus du titre, il est impératif d'indiquer le cadre (dans notre cas, "Cafés Sciences et Citoyens de Grenoble, en collaboration avec...").

    Le titre doit sauter aux yeux (très grosse fonte), puis la date, puis le lieu. Le texte ne doit pas être trop petit (tout le monde n'a pas une bonne vue !). Si vous imprimez en 1/2 A4, le texte doit rester lisible !

    Si le nom des invités et du modérateur n'est pas encore connu... tant pis !

    1.6.4 La diffusion

    1.6.4.1 À qui diffuser
  • Contacts presse et journaux gratuits ou spectacles (par fax ou email).
  • Relais: chargés de comm d'institutions et collectivités locales (par email).
  • Alliés: associations locales à but similaire (débats citoyens,
  • sociétés savantes, CCSTI...).
  • Inutile par contre de polluer des cibles non locales ou non intéressées (le mieux est de demander avant si vos annonces les intéressent). Il faut rester modeste, le monde entier n'est pas forcément concerné par vos agissements !
  • Partenaires et lieux d'affichages: lieu, bibliothèques, maisons de quartier, bars culturels, quelques commerçants (prospectus imprimé en 1/2 ou 1/3 ou 1/4 de A4, voire affiches. Attention, ceci consomme du temps et quelques moyens: veillez à bien doser le ratio efforts/effet en ne faisant pas trop, mais aux bons endroits).
  • Liste de diffusion par email. Forums électroniques locaux.
  • Annonce sur votre site web (lequel gagne à proposer en outre
  • l'inscription sur la liste de diffusion).

    Remarque importante: ne diffusez jamais vos annonces au format Word ! Ça consomme souvent trop de place dans les boîtes aux lettres (si vous bloquez ou ralentissez les boîtes aux lettres de vos correspondants, ils n'apprécieront pas), les anti-virus peuvent bloquer le mail, de nombreuses personnes ne pourront pas lire ce format propriétaire (notamment en milieu universitaire), de surcroît vous risquez de transmettre des virus ou des infos confidentielles.
    Préférez le format en texte simple, ou à la rigueur, en html. (Pour les documents à transmettre, le format standard est pdf).

    1.6.4.2 Quand diffuser
    Renseignez vous des dates limites de diffusion, au moins pour vos principaux médias: journaux et gratuits, et imprimeur (ou le partenaire qui s'en charge). Ce sera souvent 2 à 4 semaines avant l'évènement !

    Pour la diffusion au public (électronique et papier), il faut ni trop tôt (ce sera oublié, ou les affiches seront arrachées) ni trop tard (il faut le temps d'avoir l'information et de planifier sa soirée, et tout le monde ne sort pas ni ne consulte ses emails à la même fréquence).

    Pour votre liste de diffusion seule (où les gens se sont inscrits d'eux-même, ou vous ont demandé à être inscrits: ne mettre personne d'office, ce serait du spamming, pénible et répréhensible !), faire une diffusion 7 à 10 jours à l'avance, puis un rappel 1 à 3 jours à l'avance (certains ont besoin de s'organiser à l'avance, d'autres improvisent à l'impulsion du jour).

    1.6.4.3 Mailing-listes
    De nos jour il existe des outils de gestion automatique de mailing-liste. La pire des choses serait d'avoir une liste explicite d'adresses emails dans votre maileurs:
  • ou bien vous en seriez le seul détenteur, ou alors il circulera plusieurs versions potentiellement différentes;
  • afficher tous les destinataires donne de très longs emails,
  • et est un critère attractif pour les filtres anti-spam (même si vous masquez les destinataires);
  • ça pose un problème de confidentialité (vous n'avez pas à diffuser à d'autres les adresses emails qu'on vous a communiqué).

    Les outils automatiques (serveurs de listes type Sympa ou autres) gèrent tout ça pour vous sans risques, et permet même parfois l'auto-abonnement depuis une page web.

    Vous pourrez avantageusement faire de même pour la liste de diffusion utilisée pour les préparations, voire pour celle du "noyau dur" (i.e. des animateurs réguliers), ce qui permet d'éviter de donner le rôle central de communication à une seule personne (ce qui fini invariablement par poser des problèmes, notamment de renouvellement, ou de remplacement dans l'urgence).
    Concernant la liste des contacts, elle sera fréquemment remise à jour et généralement une seule personne s'en charge, l'usage d'un serveur de liste est donc probablement peu nécessaire.

    1.6.4.4 Site web et adresse email
    Il est très utile de disposer d'un site web (contenant au moins les textes d'annonce et les dates) et d'une adresse email banalisée (pour ne pas mettre le nom d'une personne, peu mnémotechnique, et susceptible de changer). C'est d'autant plus facile qu'on peut le faire gratuitement, pour peu qu'on ait accès à un ordinateur.
    Mais par pitié, ne phagocytez pas un nom de domaine trop générique, genre "cafés.sciences" ou "débats" ou "sciences" ! Notamment, si vous avez un ancrage local, il devrait logiquement figurer dans votre nom.
    1.6.4.5 Annulation
    Vous n'avez pas trouvé les experts voulus, ou l'un des 3 se fait porter pâle à la dernière minute, ou le modérateur ou l'animateur historique est malade, ou vous avez raté la date limite du gratuit local, ou vous découvrez que la date est celle d'un jour férié: du moment que l'annonce a été diffusée, il serait très malséant de laisser porte close.
    Mieux vaut un débat un peu diminué (et encore, il se passera peut-être très bien) qu'une trahison de la confiance de votre public, qui ne reviendra peut-être plus après un tel coup.

    Si vraiment il est impossible que le débat se tienne (e.g. fermeture annuelle du lieu pas prévue), le mieux est d'improviser un autre lieu a proximité (pourquoi pas dans un bar, ou dans un parc), et laisser une/des affichettes voire une personne relais aux entrées du lieu.

    1.7 La réunion d'ajustement (briefing)

    Il peut être commode d'avoir une réunion de briefing pour préciser le contexte et les règles aux invités. Si le débat est en soirée, elle pourra avantageusement coïncider avec un repas offert aux invités en guise d'"indemnité". Par contre, attention à ne pas laisser les experts jouer le café à l'avance, sinon ils se seront tous dit avant le vrai débat !
    Au pire, cela peut se tenir juste avant le débat (de toutes façons il est prudent de convoquer vos invités au moins 1/4 d'heure avant). Quoi qu'il en soit, évitez de déplacer vos invités pour une réunion spécifique: il ne faut pas abuser de leur disponibilité (ni de celle des animateurs, d'ailleurs. La motivation peut s'user).

    Pensez à bien indiquer comment venir, à fournir un numéro de portable, de prévenir le cas échéant qu'un repas est prévu, et demander si la personne pourra y rester.

    Quoi dire à vos invités au briefing:

  • Se présenter, les présenter entre eux.
  • Une idée de comment ça va se passer (le lancement, le déroulement), et l'esprit.
  • Les droits et devoir de l'invité (cf 2.3; c'est important !).
  • Éventuellement, quoi faire en cas de problème spécifique (e.g., pour un sujet à risque).
  • Leur laisser lire le texte d'annonce (à plus forte raison s'ils ne l'ont pas encore lu, mais même s'ils sont sensé l'avoir déjà eu: cela peut permettre d'éviter des hors sujet).


    2. Animer un débat

    2.1 Avant: préparer la salle

    2.1.1 La salle

    Évidemment, vous l'aurez choisie longtemps à l'avance, réservée de manière non ambiguë (si la réservation est sur l'année, vérifiez bien les cas particuliers), en connaissance du matériel disponible et des conditions éventuelles. Il la faut ni trop petite ni trop grande (30% de chaises vides est naturel). Mieux vaux savoir à quoi s'attendre en matière de bruit (à l'horaire prévu).
    Pensez à l'accessibilité pour handicapés. Attention à la limite légale pour certaines salles. De manière générale, essayez de garder en tête que des retardataires doivent pouvoir se faufiler, mais surtout, qu'il faut pouvoir évacuer la salle en cas de besoin.
    Au passage, il serait prudent de déterminer la situation du point de vue de l'assurance: êtes vous couvert par la structure invitante ? Si vous êtes une association, ou rattachable à une association, une assurance associative pour les membres et les évènements avec public revient à environ 80 Euros annuels. Il est tentant d'éviter la complication administrative, mais ça peut un jour vous coûter très cher, alors que ça n'est pas très compliqué.

    Si le lieu n'est pas trivial à trouver, notamment depuis un transport en commun naturel, prévoir un fléchage (à mettre 1/2h avant, et à enlever après), à faire très redondant depuis le départ jusqu'à la porte de la salle, et lisible à 20-30m (une flèche et peu de mots en vraiment énorme, testez dans un couloir. On peut avantageusement mettre l'affichette sous pochette plastifiée en cas de pluie). Voire, prévoir un "comité d'accueil" si c'est utile et faisable, au moins les premières fois.

    2.1.2 Disposition de la tribune et du public

    Préparer les chaises et la "tribune" à l'avance, si possible en évitant de disposer les invités en dominateurs implicites, et de faire du modérateur un des tribuns: tout le monde à la même hauteur, les invités très proches du public (nous leur mettons quand même des tables), le public plutôt en arc de cercle (style amphi, çà permet de mieux voir et participer), sur peu de rangs (inciter les gens à aller devant).
    Nous mettons le modérateur plutôt en côté de table pour ne pas en faire un intervenant naturel. Et des "complices" indicateurs aux deux coins arrières pour l'aider à repérer les doigts timides.
    Prévoir de quoi boire pour vos invité, et éventuellement de quoi écrire. Certains installent les invités au milieu du public. Personnellement je trouve ça un peu artificiel, et ça les conduit à tourner le dos à une partie du public.

    Quand le public arrive, insister pour leur faire peupler le premier rang, et/ou le côté opposé à l'entrée (où il sera difficile de se faufiler ensuite, surtout discrètement).

    2.1.3 Quid de la prise de son

    Si possible, mieux vaux se passer de micro, à moins d'être vraiment nombreux, dans une grande salle, ou dans de mauvaises conditions acoustiques. Le micro abîme la spontanéité et l'ambiance "sans façons" des cafés (un orateur est trop à l'aise avec un micro, alors que pour le public il faut oser parler dans le micro, et il faut attendre la venue du micro pour poser une question, qui doit alors psychologiquement en valoir la peine) , il complique inutilement l'intendance (préparer, installer, gérer la circulation de micro, problèmes de boutons, de piles, de larsen, de saturation...).

    Certains souhaitent enregistrer le débat (son, voire image). Pourquoi pas, mais il faut se rendre compte que ça bouscule la donne, et le côté "sans façon": l'orateur sent qu'il peut avoir à rendre des comptes ultérieurement de ce qu'il aura dit (de la part de ses collègues, de son institut,...), et cela peut changer fortement sa liberté de ton.
    À noter qu'il est hors de question d'enregistrer quelqu'un à son insu, même pour usage interne: si vous comptez enregistrer, il faut prévenir, et il est courtois d'en demander l'autorisation aux intervenants au préalable.
    NB: Attention, si les retransmissions sont publiques (radio) ou facilement disponibles (en ligne), cela peut attirer des perturbateurs en recherche de tribune. Et une fois que vous aurez pris l'habitude de mettre l'intégralité à disposition, il serait très délicat de justifier une censure. Il faut donc y réfléchir avant que le problème se pose.

    2.2 Lancement

    Le modérateur invite les gens à s'asseoir, et prévient qu'on commence (même s'il est préférable d'attendre que la salle soit pleine pour commencer, il faut veiller à ne pas habituer son public à commencer en retard, sinon c'est l'inflation).

    Il rappelle le titre du café, puis fait une courte introduction au thème, paraphrasant le texte d'annonce (que le plus gros du public n'aura pas lu). C'est essentiel, car ça offre un cadrage limitant les risques de hors sujet, et ça propose des pistes pour explorer le périmètre. À ce titre, je pense qu'il est assez mauvais de démarrer directement par une question du public, sans avoir fait ce cadrage: une fois le hors sujet déclenché, il est dur d'en sortir, alors qu'il est naturel à un public d'accepter un périmètre de référence, à condition qu'on le lui ait indiqué ! (sinon après le premier rappel à l'ordre çà donne une impression d'arbitraire, d'injustice et d'insécurité).
    Cette introduction est l'occasion si nécessaire de mentionner les partenaires, et d'éventuelles articulations (table de livres, exposition locale sur un thème parent). Il faudra aussi en faire un rappel à la fin.

    Le modérateur introduit alors très brièvement les invités (nom et éventuellement spécialité), puis lance un tour de table pour qu'ils se présentent eux-même brièvement (et éventuellement leur point de vue en 2 mots, s'ils en ont un, juste histoire de situer les rôles et susciter des questions).

    Il peut enfin prendre une première question de la salle, mais en général il n'y en a pas; heureusement il en a préparé deux ou trois en réserve (notamment pour relancer en cas de "blancs"). En général il est utile de commencer par demander de préciser une définition du terme clé (de quoi on parle au juste), ce qui permet d'amorcer, tout en portant l'attention sur l'importance de parler précis, et en donnant une bonne occasion d'éliminer déjà quelques déformations (de ce fait, on peut choisir de démarrer systématiquement ainsi sur une question du modérateur).

    À partir de là le débat est lancé, et la salle doit avoir plusieurs questions à poser, dont les réponses en appelleront d'autres, et qui entretiendront ainsi le débat pendant les deux heures !

    2.3 Droits et devoirs de l'expert invité

  • Bien définir les termes et les concepts, mais pas de jargon inutile: se limiter au vocabulaire vraiment nécessaire, limiter le nombre de concepts, préférer (ou associer) les synonymes du langage courant.
  • Ne pas être qu'abstrait: prévoir des exemples.
  • S'efforcer de répondre à la question posée, même si vous souhaitez parler aussi d'autre chose.
  • Pas de langue de bois ni de démagogie. Vous avez le droit de dire 'je ne sais pas', ou 'personne ne sais'. Dire quand il n'y a pas consensus.
  • Ne pas botter en touche sur le fond: vous êtes ici en qualité d'expert. Si un point est non-consensuel, donner son avis, ou présenter les différents avis. I.e. ok pour dire que la science est prudente et n'affirme rien de définitif, mais si c'est la seule réponse répétée toute la soirée, le débat risque d'être fort ennuyeux et frustrant !
  • Il n'y a pas de question idiote. Être tolérant et respectueux, s'attendre à devoir prendre du recul par rapport à votre point de vue habituel de professionnel: même si une question semble 'science fiction', elle se pose puisqu'elle est posée, et vous êtes probablement le mieux placé pour y répondre.
  • Une question peut paraître orientée. Cela ne signifie pas que vous avez en face de vous un militant de l'obscurantisme noir, mais qu'un argument a touché le public et qu'il convient donc d'y répondre efficacement et sans violence (ce qui serait contre productif). Et si c'était effectivement le diable en personne qui avait posé la question, une réponse calme et constructive sera du meilleur effet auprès du reste de l'assistance !
  • Vous avez le droit de considérer qu'une question est hors sujet (cet arbitrage peut aussi être fait par le modérateur): on n'est jamais obligé d'aller là où on ne veut pas aller !
  • Vous avez le droit de lancer un nouvel axe de débat (si l'axe en cours semble épuisé ou sur-traité, initiative qui peut aussi venir du modérateur).
  • Ne pas confisquer la parole (s'applique en particulier aux intervenants juristes, élus, et militants associatifs !): il faut des allers-retours avec la salle, sinon les questions s'épuisent. Vous êtes juste 2 ou 3 invités, la parole vous reviendra vite ! Faites des réponses pas trop longues (pas d'exposé en 5 points ou de cascades de digressions); pensez à laisser parler les autres intervenants, voire à leur tendre des perches pour un complément.
  • Si la question est peu claire, n'hésitez pas à demander des précisions, ou a proposer une reformulation ! (on n'est pas en électoral, ni à la télé !)
  • Soyez modeste dans les objectifs: si les gens retiennent 2 ou 3 idées, ou corrigent 2 ou 3 perceptions faussées par les médias, c'est déjà très bien. Pas besoin de faire un exposé exhaustif et sur-détaillé ! Ne pas présupposer de background, ni se faire d'illusion sur sa qualité même si un interlocuteur semble initié au domaine: attention aux projections que l'on peut plaquer sur un interlocuteur, attention aussi à l'hétérogénéité du public (si c'est un collègue qui pose la question, la reformuler et faire une réponse accessible à tout le public).

    2.4 Le rôle du modérateur

    (Le modérateur doit également lire attentivement la section 2.3).

    2.4.1 Principes

    Un débat peut être mené de bien des manières. L'audiovisuel nous donne des exemples où l'animateur mène la discussion, alterne les sujets d'autorité, voire donne son avis et parle plus que les invités eux-même. Quand la parole est donnée au public, cela se fait parfois avec un sujet imposé, ou bien le public peut être questionné sous une forme tellement inductive qu'il ne lui reste guère de marge de liberté.
    Nos cafés visent à mettre des spécialistes à disposition du public. À ce titre, nous n'avons pas recours à un animateur, mais à un simple modérateur: son rôle se borne à veiller à ce que tout se passe bien, et dans les bons cas, après l'introduction il n'a plus qu'à gérer les tours de parole dans le public. Donc il faut retenir ce principe fort (et résister aux mauvais exemples de l'audiovisuel): un modérateur n'est pas un intervenant ! Il doit parler peu, et il ne devrait jamais exposer un avis.
    Mais en cas de problème même mineur, il doit réagir rapidement et faire des arbitrages: c'est sur lui que repose a priori le dénouement ou non d'un problème qui autrement risque de s'éterniser, et donc la qualité du débat. Le risque est de l'oublier, après plusieurs débats sans incident, mais il faut en permanence rester prêt à agir.

    2.4.2 Vis à vis des experts intervenants

    Le modérateur doit veiller à ce que les experts invités respectent leur rôle: pas de vocabulaire non-défini ou de jargonnage excessif (interrompre pour demander une définition), des illustrations après un propos abstrait (interrompre si nécessaire), pas de langue de bois, avoir raisonnablement répondu à la question (sinon, la reposer d'emblée), ne pas être trop long (interrompre ou faire un geste clair pour dire de raccourcir, mais c'est souvent difficile de juger du bon moment et d'oser. Pourtant, il le faut).
    Si un des invités a du mal a prendre la parole (soit que la salle ne lui pose pas de question, soit que les autres invités lui fassent de l'ombre), vous pouvez expressément lui destiner une question du public, voire lui mitonner une question sur mesure (que le public prolongera peut-être).

    2.4.3 Vis à vis du public dans la salle

    Le modérateur doit faire respecter les tours de parole: demander de lever la main, se rappeler la liste d'attente (au delà de 5, c'est dur), couper autant que possible les questions intempestives, bien repérer les timides.
    Il est utile d'avoir des "complices" aux deux coins arrière pour pointer du doigt des demandes de paroles qu'on n'aurait pas vues: il y a forcément des angles morts, et des rangs du fond. Pour autant, s'habituer à regarder la salle et non les intervenants pendant le débat: il est normal que le modérateur ait du mal à suivre le débat, d'ailleurs il est conseillé de ne pas choisir de modérer les débats qui vous passionnent ! (d'autant que vous seriez tenté d'y intervenir).
    Ne pas hésiter à dire, au moment de donner la parole, qui sont les suivants (ça les fait patienter, et ça dissuade les intempestifs, souvent au premier rang et ignorant qu'il y a du monde derrière). Attention, si vous faiblissez sur la règle, le public en déduira vite que la règle n'a plus cours.

    Si la liste est trop longue, ou si le doigt levé remonte à longtemps, il se peut que la demande de question n'ai plus court. Demander en non-verbal, repérer une confirmation de la demande, ou demander explicitement le tour venu si la personne a encore une question.
    On peut faire des entorses aux tours de parole, pour privilégier un timide, une première question, un non-habitué, et retarder un bavard.

    Point essentiel: pas de spectateur privilégié ! (ni copains qu'on tutoie, ni habitués). Il est très désagréable pour le public de sentir qu'il existe un "premier cercle", dont il est exclus.

    2.4.4 Vis à vis des questions

    Il n'y a pas de question idiote, et il faut tout faire pour encourager les gens à poser leur question (notamment les non-habitués et les timides), et le public à ne pas en rire. Par contre il peut y avoir des questions bancales voire incompréhensibles, des questions hors sujet, des questions qui n'en sont pas (simple témoignage), des interventions prosélytes (voire un intervenant auto-déclaré dans la salle).
    Il est de bon usage de reformuler les questions (i.e. les répéter de manière audible et compréhensible par tous, tout en les resynthétisant sous une forme compacte et non-ambiguë), notamment si la personne risque de n'avoir pas été entendue (voix faible, premier ou dernier rang, salle grande ou mauvaise acoustique), si la formulation de sa question est longue ou ambiguë, ou comporte en fait plusieurs questions, etc. Regarder la personne en reformulant sa question permet de lui faire agréer la reformulation, quitte à ce qu'elle corrige. C'est aussi une occasion pour le modérateur d'élargir la question, voire d'initier l'ouverture d'un nouvel axe du débat (mais ne pas abuser des modifications de questions, qui prennent le risquent de trop déformer l'intention de son auteur).
    Dans le cas des questions définitivement incompréhensibles (ou trop hors sujet, ou polémiques), çà peut-être un moyen délicat d'en tirer quelque chose sans froisser la personne. Une autre technique consiste à prendre plusieurs questions d'un coup pour réponse groupée. Attention tout de même à ne pas abuser de cette forme de manipulation.

    Il n'y a pas de question idiote, par contre il y a des interventions qui ne sont pas des questions: spécialiste réel ou autoproclamé qui complète ou contredit un des experts, simples témoignages, etc.

    Du moment qu'un "spécialiste" respecte les tours de parole, ses interventions sont a priori un complément utile plutôt qu'un problème. Par contre s'il se place en intervenant auto-déclaré, c'est un problème que vous devez gérer (d'abord en rappelant la règle du tour de parole, puis au besoin en insistant sur le fait que même s'il est spécialiste, ça n'est pas lui qui occupe cette fonction dans le débat de ce jour et qu'il fait donc partie du public, et qu'il est donc soumis à ses règles). Maintenant si vous avez les moyens de savoir qu'il est vraiment spécialiste, et que cette expertise vous fait justement défaut ce jour là, vous pouvez éventuellement l'inviter à venir derechef à la tribune !

    Quant au témoignage vécu, il n'est gênant que si la dynamique du café se transforme en accumulation de témoignages, façon "café du commerce" ou plateau télé basé sur l'émotion. Cela arrive plus facilement sur certains sujet (e.g. médicaux). Une solution simple (qu'on oublie facilement !) est de considérer réellement l'intervention comme n'appelant pas de réponse, et d'enchaîner sur une autre. Si le problème persiste, ne pas hésiter à recommander au public de poser de réelles questions, ou d'aller plus loin que les cas particuliers.
    NB: les sujets médicaux peuvent se transformer en séance de consultation collective: c'est acceptable à petite dose puisque ça répond à une demande, mais si cela sort trop de la fonction que vous fixez à vos débat, il faut sortir de ce mode à un moment (le problème est que les dynamiques de questions s'auto-installent facilement).
    Dans ces deux derniers cas, le modérateur peut facilement relancer la dynamique en créant une question (i.e. en rebondissant) à partir de la thématique traitée par les témoignages (il est alors dans la fonction temporaire d'animateur).

    J'ai déjà abordé le cas du hors sujet à plusieurs reprises dans ce document. À nouveau, s'il est ponctuel, ça ne pose pas de problème. Autrement il faut rappeler gentiment le périmètre envisagé, et ne pas hésiter à expliquer pourquoi il faut le respecter (car il est très délicat de donner au public l'impression qu'on le censure):

  • on a prévu de traiter d'un aspect et on y arrivera pas si on dérive trop;
  • d'autant qu'on ne peut pas bien traiter un sujet trop large;
  • il faut éviter de sortir du domaine de compétence des intervenants (e.g. se mettre à parler des aspects politiques en l'absence de quelqu'un pour répondre sur cet axe mène au "café du commerce");
  • tel ou tel aspect a pu déjà faire l'objet d'un débat précédant, ou est prévu;
  • tel axe d'approche n'est pas celui des cafés sciences et citoyens, mais d'autres actions (cafés philos, diplos, socio, zététiques, etc).

    2.4.5 Cas de la provocation

    Il arrive de recevoir une question extrêmement hostile, que ce soit par le ton ou par le contenu, qui souvent n'est pas une question mais un énoncé affirmatif (éventuellement déguisé), ou bien dont la question est particulièrement enfermante (e.g. le scientifique est présumé coupable). Cela s'accompagne parfois d'un "exposé" ininterrompu assez long, pouvant aller jusqu'à présenter des graphiques ou documents en se tournant vers la salle (nous avons eu le cas !), ou bien des prises de parole longues à toutes occasions sans respect du tour de parole (i.e. dans ces 2 cas la personne se pose en intervenant autoproclamé).

    Il convient alors d'être extrêmement pragmatique, pour ne pas être contre-productif.
    Tout d'abord, comme dit en section 2.3, la question peut être sincère, venant d'une personne qui a été touchée par cet argument, et qui peut en toucher d'autres (attention à ne pas projeter des intentions militantes à mauvais escient). Il convient donc de répondre calmement, et de commenter ou démonter l'argument avec respect, ouverture et sérieux (i.e. bonne foi). I.e., il s'agit de ne surtout pas entrer dans son jeu conflictuel (présumé).
    Si la personne est de bonne foi son ton s'infléchira probablement, mais même si c'était vraiment le diable en personne, cette attitude sera la plus productive vis a vis du reste de la salle, qui sera outrée par l'agressivité à sens unique.

    Le seul véritable risque serait que tout le débat soit phagocyté, ou qu'un temps très significatif soit perdu. Un véritable agresseur rhétorique se posant généralement en victime censurée, il est essentiel de ne pas entrer dans le jeu: laisser la personne s'exprimer (raisonnablement), s'efforcer d'y répondre (aussi honnêtement et ouvertement que possible).
    Le modérateur doit donc se tenir en alerte maximale, veiller que la personne puisse réellement s'exprimer et avoir une réponse (car les intervenants risquent de se raidir face à l'assaut, ce qui est le but recherché), puis doit intervenir pour stopper l'excès seulement si la personne abuse manifestement du temps et tour de parole.
    Vous serez grandement aidé dans cette tâche si vous avez clairement instauré la discipline des tours de parole (notamment en rappelant brièvement d'un geste presque à chaque attribution de parole qui sont les suivants). Devant l'outrance de la "prise de pouvoir", le public sera le premier à s'indigner, et si le désordre s'installe (la personne prend tout le temps de parole et refuse de respecter les autres, voire vocifère), elle vous aidera ou vous soutiendra s'il faut vraiment en arriver à expulser le perturbateur (qui le fera probablement de lui même à la première esquisse de mouvement devant l'hostilité de la salle). Le mieux serait alors (de mon point de vue) qu'une personne de l'équipe le suive pour essayer de lui parler en l'absence de public, ce qui peut éventuellement permettre une expression catharsique plus sereine.

    2.5 Fin du débat

    Même si le débat est prévu pour 2h ou 3h, le modérateur doit sentir quand il est temps d'arrêter. Quand les questions se tarissent ou tournent en rond, ou qu'on s'apprête à repartir sur un grand sujet alors que le gong approche, ou, signe bien plus alarmant, que des personnes commencent à partir (ce qui est vite contagieux, c'est alors désastreux, comme impression donnée, comme habitude, et par le fait que les conclusions et annonces seront ratées), alors il est temps d'arrêter.

    Le signaler au public: soit dire à l'avance qu'on approche de la fin (même si vous pourrez ensuite ajuster), soit dire que vous prenez la/les dernière(s) question(s), ou si une question s'y prêtait bien, dire que c'est le mot de la fin.
    Vous pouvez alors faire un tour de table pour que les invités concluent ou précisent ce qui leur semble manquer (attention, à ce stade contrôlez bien si vous disposez de 5 mn ou d'un quart d'heure: si çà doit être très court, prévenir !).

    Vous pouvez alors annoncer que c'est fini pour cette séance. Si le débat a été interrompu en pleine vivacité, ou s'est fini sur une note inachevée, vous pouvez énoncer qu'on n'aura bien sûr pas réglé ou fait tout le tour de la question en un débat, voire, qu'il y a probablement matière à y revenir une prochaine fois. Pensez à remercier les intervenants voire à les faire applaudir.

    Il y a un certain nombre d'annonces à faire très vite avant que les gens s'en aillent:

  • prochain rendez-vous (date et sujet);
  • partenaires et actions jointes (table de livre, expo...);
  • éventuellement, pub pour le site web, appel à s'inscrire sur les listes de diffusion, à faire remonter des commentaires sur l'organisation, pub pour participer à l'organisation.

    Vous pourrez avantageusement avoir prévu un moment convivial juste après (l'annoncer !): conversation informelle dans la salle, avec ou sans rafraîchissement, discussion au bar, repas...

    2.6 Après le débat

    Si vous devez rembourser des frais aux intervenants, pensez-y (justificatifs...). Notre usage est de prendre autant que possible des intervenants locaux, qui sont "défrayés" par le biais d'un repas avant ou après le débat (gardez toujours les justificatifs pour votre comptabilité !).
    Pensez à proposer à vos intervenant de les inscrire sur la liste de diffusion publique, mais aussi sur celle des préparations.
    Éventuellement, remerciez-les encore de leur prestation par email le lendemain.

    Comme toute opération de médiation et de vulgarisation (voire, pour toute opération tout court), il est important et utile de valider: il est trop tentant de se bercer de ses propres bonnes impressions. Bien des opérations de vulgarisation sont surtout probantes pour... les organisateurs et le public des collègues scientifiques ! On a vite fait de faire des contre-sens ou d'entretenir des biais à son insu.

    Il ne s'agit pas de valider a posteriori chacun des débats, mais d'essayer d'avoir des retours de la part du public: réponse aux attentes, intérêt, frustrations, remarques et souhaits, mais aussi commodité de l'horaire et du lieu, moyen par lequel il a eu l'information, etc. Ceci dans l'idée d'améliorer progressivement. Recueillir la perception par les intervenants est également utile.

    S'il y a eu un problème important pendant le débat, il me paraît important de "débriefer" pour le comprendre, et ne pas le reproduire à l'avenir. Cependant il y a aussi des impondérables, sur l'affluence (qui n'est pas forcément corrélée au sujet), sur la qualité des intervenants, sur la présence d'un perturbateur. Toutefois comme le hasard révèle souvent ce qui était latent dans le "terrain", il ne faut pas trop vite s'en contenter.

    Mais comme dit plus haut, il faut aussi rester modeste sur les objectifs: si les gens retiennent 2 ou 3 idées, ou corrigent 2 ou 3 perceptions faussées par les médias, c'est déjà très bien. Trop d'information peut donc être contre-productif. L'objectif n'est pas de donner une formation accélérée et exhaustive sur un sujet ! Tout serait oublié d'ici le lendemain, et ce qui compte au final, c'est l'influence, l'ouverture, l'amélioration d'esprit critique, la perception des enjeux et des leviers, qui persistera dans l'esprit du public.
    Ne pas perdre de vue non plus que vos rendez-vous doivent également être de bons moments, pour le public, les organisateurs, et les invités !